La Belle et la Baie

Un long combat et un début de victoire

Nos cartes postales et photos des années 50 nous montrent des grèves où hivernent quelques bateaux et quelques rares canots traditionnels en destruction.

Depuis, les unités en polyester et fibre de verre imputrescibles ont remplacé les canots de dix pieds, les carlingues des derniers terre-neuviers finissent de mourir dans la vase au pied de la cale sèche.

La Landriais étant pour partie l’une des rares grève en Rance qui n’ait pas fait l’objet d’une autorisation d’occupation temporaire du territoire maritime, n’importe quel propriétaire se croit autorisé, au nom d’un prétendu droit séculaire, de laisser son navire sur cette grève.  Les bateaux qui finissent leur vie sur l’estran, dans l’espoir souvent déçu d’une restauration éventuelle, sont une pollution pour tous. Les propriétaires ont trouvé là un moyen économique de ne pas régler les dépenses de mouillage (pourtant l’une des plus modestes de l’estuaire). Ils nous font profiter du spectacle désolant de leur navire en décrépitude selon le même principe que les chiens abandonnés en forêt quand ils ont fini d’être choyés.

Notre baie n’est pas si grande qu’elle doive servir de déchèterie aux bateaux abandonnés. Peu d’entre nous réalisent que nous ne sommes qu’au début de cette invasion. Les premiers bateaux stratifiés arrivent aujourd’hui en limite de viabilité. Le stock qui s’est constitué depuis 60 ans (40 à 50 000 unités) cherche une solution de sortie éco-responsable. C’est pourquoi les industries nautiques ont très récemment organisé le dispositif de valorisation (APER) en initiant un réseau de centres agréés. Il laisse à la charge du propriétaire les frais de transport jusqu’à ces centres et prend en charge la destruction et la transformation des matériaux. Malgré ces conditions favorables, moins de la moitié des bateaux attendus pour le recyclage ont été traités.

Pendant ce temps les épaves continuent d’arriver à la Landriais et ailleurs. Le silence des écologistes et défenseurs de l’environnement sur cette agression majeure de la Rance est consternant.

Personne, au nom d’un supposé droit coutumier d’occuper l’estran, n’ose dénoncer cette pollution chimique et esthétique voire ce danger; ce prétendu droit ferait-il de l’estran un espace hors de la responsabilité de chacun pour la sauvegarde et la protection du patrimoine commun? Nous n’avons en l’état pas de réponse à donner aux nombreux promeneurs du nouveau sentier du littoral venus visiter Notre Dame des Terre Neuvas, nichée dans les perrés restaurés, ou la cale sèche et ses installations de la construction navale traditionnelle.

En février 2012 l’Association des Amis de la Baie de la Landriais (AABL) faisait sa première démarche auprès de « CŒUR », saisissait les autorités et alertait le public par voie de presse, lançait une pétition qui a recueilli plusieurs centaines de signatures. Après neuf ans d’efforts, de réunions, de rendez-vous, la cause semblait perdue.

Heureusement Madame la Cheffe de service de l’usage des espaces et environnements marins de la DDTM, rencontrée en février dernier, a été sensible à l’urgence de l’action. L’inventaire effectué au Minihic a dénombré 43 épaves (bateaux abandonnés incapables de se mouvoir), dont la moitié à la Landriais.

C’est donc une première tranche de 10 épaves, sources de pollution et/ou de dangers, qui seront recyclées cette année.

Ce premier pas est une étape très encourageante, il faut maintenant obtenir des autorités concernées une gestion raisonnée de l’estran, purger le passif des bateaux abandonnés ou occupants sans titre et prévenir les dépôts sauvages à venir.

Qui ne rêve de contempler une baie libérée pour y nager en toute sécurité, godiller sur son annexe en ligne droite, naviguer sans gratter le fond de sa quille, le jour où la « Belle de Dinan » et tous ses gnomes hideux se seront fait rhabiller chez Romy ?

 

JC DEHAYE, Président de l’AABL